Le rôle des émotions

Si elles ne nous font pas toujours vivre des moments plaisants, les émotions occupent un rôle particulier pour l’organisme. Signaux d’alarme et indicateurs de ce qu’on ressent, celles-ci vont s’exprimer sur le plan physiologique et psychique pour des raisons précises. Afin de mieux prendre conscience de la nécessité d’être à l’écoute de ce que l’on éprouve, essayons de mieux comprendre de quoi il s’agit. Quel est le rôle d’une émotion ?

C’est quoi une émotion ?

 Quel que soit le dictionnaire utilisé, les définitions s’accordent sur la composante physiologique et psychologique de cet état produit par une situation spécifique (environnement), et induisant, à la fois une manifestation interne, mais également une réaction extérieure plus ou moins intense selon l’émotion ressentie. Mais à quoi correspondent ces ressentis ?

Pendant des dizaines d’années, Paul Ekman, psychologue américain spécialisé dans la recherche et l’étude des émotions (notamment en lien avec les expressions faciales) s’est intéressé à ce phénomène. Suite à des recherches transculturelles, il a élaboré une théorie (1972) portant sur l’universalité de 6 grandes émotions primaires que l’on retrouverait quelle que soit la culture ou l’origine ethnique :

  • Joie,
  • Peur,
  • Tristesse,
  • Surprise,
  • Colère,
  • Dégoût.

Par la suite, sa théorie s’est enrichie (1999) en introduisant une plus grande famille de 15 émotions primaires : amusement, contentement, excitation, fierté, soulagement, satisfaction, plaisir sensoriel, embarras, honte, peur, culpabilité, tristesse, mépris, dégoût et colère.

Afin de mieux comprendre ce concept d’émotion, on peut considérer qu’il s’agit d’un mécanisme d’évaluation inconscient et d’une réaction automatique de l’organisme face à l’environnement. Lorsque ce monde qui nous entoure évolue brusquement ou nécessite une réaction, l’émotion vient provoquer un changement en nous pour y faire face, de façon adaptée à la situation.

Ces changements peuvent être d’ordre physiologique, comportemental ou cognitif.

Prenons l’exemple d’un enfant qui fait tomber son ballon dans le jardin du voisin. En allant le récupérer, le gros chien de garde du voisin se met subitement à aboyer de façon menaçante. La surprise laisse alors vite place à la peur. La peur produit immédiatement chez l’enfant une réaction de fuite face à la menace et au danger que représente le chien.

Nous pouvons ainsi mieux comprendre comment les émotions nous préparent à gérer et réagir face aux événements importants. Cela sans nécessairement passer par la réflexion, mais de manière imposée et automatique.

Il est cependant important de noter qu’une émotion reste brève (de quelques minutes à quelques heures). Une émotion n’est pas à confondre avec l’humeur ou un sentiment. Par exemple, l’émotion de tristesse est à dissocier de l’état dépressif dans lequel nous sommes seulement amenés à en éprouver.

Quel est le rôle des émotions ?

 Comment alors comprendre les raisons pour lesquelles ces émotions interagissent avec la pensée et l’ensemble du processus de réflexion ?

Les émotions ont une fonction bien précise. Le fait même d’en éprouver, c’est recevoir naturellement un message, tant de l’organisme que de l’environnement. Cette fonction est donc adaptative, comme une façon de s’accommoder et de s’harmoniser soi-même avec le monde qui nous entoure.

Ainsi, mêmes les émotions que l’on pourrait considérer comme « négatives » comme la tristesse ou la colère, jouent un rôle « positif ». Elles sont donc fondamentales pour notre adaptation à l’environnement. Peut-être devrait-on ainsi plutôt parler d’émotions « désagréables » ? Si l’on devait par exemple s’attarder sur les fonctions des émotions primaires telles que décrites par Ekman, quelles seraient-elles ?

La peur par exemple se manifeste, comme vu précédemment, à la perception d’une menace de l’intégrité physique ou psychique. L’émotion se manifeste rapidement et focalise entièrement l’attention. Tous les processus de pensée sur l’objet perçu comme dangereux, de façon à protéger et motiver l’organisme vers son évitement. Il peut s’agir d’un mode de réaction utile et sécurisant s’exprimant par la paralysie, la fuite, voire la prévention d’un débordement psychique dans le cas d’un syndrome post-traumatique.

Le dégoût agit comme un moyen de défense pour repousser et rejeter tout élément à caractère néfaste et nuisible. Ils sont alors mis à distance, comme des aliments toxiques et/ou avariés, une situation immorale ou un risque de contagion. L’organisme fait alors ressentir une sensation de répulsion et d’évitement.

La colère se ressent davantage lors des situations de contrainte ou d’injustice. Les réactions physiologiques qui l’accompagnent (augmentation du rythme cardiaque, tension musculaire, etc.) mobilisent directement l’énergie nécessaire pour nous faire vivre un sentiment de puissance nécessaire à notre affirmation de soi. Nous sommes ainsi préparés à nous défendre nous-mêmes et les autres, à nous positionner dans l’action, à nous faire entendre, à nous faire respecter et à pouvoir imposer des limites face à une situation qui nous dérange.

La surprise permet à l’organisme de libérer les neurotransmetteurs permettant de focaliser la pensée et l’attention sur un stimulus inattendu. Elle précède généralement une autre émotion.

La tristesse, quant à elle, se vit à travers une expérience de perte. Il s’agit d’un besoin fondamental et nécessaire pour le travail du deuil. Dans cet état, nous sommes amenés à prendre du recul sur la situation, interpréter les événements différemment. Prendre du temps pour nous et finalement initier un changement. Son rôle est également lié à l’autre, la tristesse attirant l’empathie de ceux qui nous entourent comme un appel à l’aide et au réconfort.

La joie est un moyen de lutte contre le stress et se manifeste particulièrement dans les relations sociales. Son rôle est un renforçateur permettant d’identifier ce qui nous procure de la satisfaction et nous inciter à produire des efforts pour la vivre à nouveau (système de récompense). La joie procure ainsi l’énergie et le bien-être servant à nous motiver dans les actes de la vie de tous les jours.

Toutes ces émotions ont ainsi une fonction bien précise et vont nous permettre de mobiliser les ressources qui sont nécessaires à la résilience. Elles sont également un indicateur de ce qu’on ressent. Toute émotion, désagréable ou non, vont nous alerter sur la satisfaction ou non de nos besoins, mais leur rôle reste toujours concret.

Comment faire de ses émotions des alliées ?

 Nous avons vu que ces émotions ont un intérêt pour l’adaptation, à nous-mêmes et à l’environnement. Nous pouvons ainsi penser qu’elles permettent de mieux identifier les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Elles améliorent notre façon d’interagir avec le monde qui nous entoure. Cette démarche passe par une meilleure régulation de ses propres émotions. Ainsi les émotions ne sont pas la source de la souffrance mais visent davantage à nous faire prendre conscience des difficultés. 

Il est ainsi important d’apprendre à mieux accueillir ses émotions, à mieux les tolérer et les écouter. Parfois, ce que nous ressentons de désagréable est nécessaire pour nous permettre de nous protéger, d’évoluer et de nous remettre. Ce travail participe aussi d’un mieux-être en nous permettant d’apprendre à mieux nous connaître et d’expérimenter ce que toute situation nous fait vivre.

Ne cherchons pas non plus à interpréter hâtivement nos émotions désagréables. La colère servant à faire respecter son point de vue, ne doit pas nécessairement évoluer sur un mode agressif du fait d’un dialogue interne interprétatif qui amplifierait l’éprouvé.

Gardons également à l’esprit qu’en tant qu’être social, nos émotions sont « contagieuses », car elles s’expriment par imitation et adaptation aux ressentis et expressions des autres.

Nous n’évoluons pas dans un monde déshumanisé et dénué de ressentis, accueillir et tolérer ce que l’on éprouve participe toujours à l’épanouissement.

Toute émotion étant utile, si tant est qu’on les canalise et qu’on les régule de façon constructive. La solution reste dans l’équilibre et la résilience. Apprenons à mieux écouter ce que nos émotions tentent de nous faire comprendre en nous motivant à changer. Servons-nous-en de signal pour une vie meilleure et pour notre épanouissement personnel.

Pour aller plus loin (sources) :

https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/medium-large/segments/chronique/102021/combien-de-temps-durent-les-emotions-lupien#:~:text=De%2030%20minutes%20%C3%A0%2048%20heures&text=Contrairement%20%C3%A0%20une%20humeur%2C%20une,48%20heures%20%C3%A0%20se%20dissiper

 Pasquier, A. (2021). Psychologie et psychopathologie des émotions (2ème édition). Dunod.

 Ekman, P. (2011). Je sais que vous mentez. L’art de détecter les menteurs et les manipulateurs. J’ai lu.

 Webinaire « À quoi servent les émotions et comment les utiliser ? ». (2021, 22 décembre). Youtube. https://www.youtube.com/watch?v=24xhTCEnGkk&ab_channel=MouvementSant%C3%A9mentaleQu%C3%A9bec