Bien-être et jeu vidéo

Les jeux vidéo et le bien-être sont-ils partenaires ? Dans le domaine de la psychologie, de nombreuses études se sont intéressées à la pratique du jeu vidéo. Elles s’intéressent à son impact sur les joueurs, notamment sur le plan psychique. Il paraît pourtant difficile actuellement de théoriser sur cette pratique, du fait de l’immense diversité en termes de typologie de joueurs, de supports, de genres, de classifications, etc.

De nos jours, il n’est pourtant pas rare que les professionnels de santé mentale se retrouvent à utiliser le jeu vidéo comme médiateur thérapeutique. Cela dans des perspectives de réduction des troubles, d’inclusion, de déstigmatisation. Ou encore pour favoriser les apprentissages et stimuler certains processus cognitifs.

Pour ne pas vous présenter un article trop en longueur, j’aborderai les conclusions principales des sources étant en bibliographie, à disposition pour ceux qui souhaitent en apprendre davantage sur la méthodologie.

Les jeux vidéo sont-ils des alliés du bien-être ?

Violence et addiction ?

Difficile d’évoquer les bienfaits du jeu vidéo sans mentionner les liens que l’on entend fréquemment entre jeu vidéo et incitation à la violence. Cela notamment dans les médias américains à l’occasion par exemple de tueries de masse, et ce bien qu’aujourd’hui, une majorité écrasante de jeunes s’autorise une pratique du jeu vidéo plus ou moins régulière.  

Le genre et la classification du jeu sont également essentiels à prendre en compte. Comment comparer un jeu tout public comme Mario à un GTA ?

Une étude de 2006 (1) tend effectivement à montrer une activité neurologique traduisant une excitation émotionnelle et une baisse du contrôle de soi durant la pratique d’un jeu de guerre, les effets s’estompant par la suite.

L’Organisation Mondiale de la Santé reconnaît également depuis le 1er janvier 2022 dans la CIM-11 le « trouble du jeu vidéo », caractérisé par une perte de contrôle, une réduction des centres d’intérêt et activités au profit du jeu et des répercussions sur la vie quotidienne et sociale, que l’on retrouve habituellement dans le tableau clinique de l’addiction.

Il ne s’agit pas de sous-estimer cette problématique. Néanmoins on reconnaît que cette proportion de joueurs reste cependant extrêmement rare, de l’ordre de 1,4% des joueurs (2) et 7,3% en pratique excessive

On pourrait également aborder la thématique de l’infantilisation souvent rattachée par méconnaissance au jeu vidéo.

En prenant en considération ces objections, on peut se questionner sur ce que les jeux peuvent nous apporter en lien avec le bien-être.

Les jeux vidéos : vecteur d’évasion et de divertissement au service de ton bien-être

 Rêve, imagination, liberté, etc. Tels sont les thèmes fréquemment abordés dans certains jeux vidéo, dont l’histoire et le gameplay permettent l’accès à un monde nouveau et stimulent la créativité et l’onirisme.

L’immersion permise par l’incarnation d’un personnage, représenté par l’avatar du joueur ou un (voire plusieurs) protagoniste fictif, va parfois bien au-delà de certains films.

On peut prendre l’exemple d’un jeu de rôle comme « Skyrim » qui narre une épopée fantastique dans un monde ouvert empli de mythes et de légendes, dans lequel le joueur doit choisir sa propre voie et les moyens d’accomplir ses objectifs.

Comment alors ne pas se laisser emporter par l’aventure, tout en mettant de côté pour un temps, ses difficultés ?

Moyen d’apaisement sain qui se démocratise ou de détente à l’instar d’un « Animal Crossing », le jeu vidéo permet de réduire le stress et l’anxiété en passant par de nombreuses thématiques pour toucher sa cible. Jeu de rôle, de simulation sportive, de combat, de plateforme, d’horreur, de musique, etc. 

Le fond et la forme de chaque jeu sont de nouvelles façons de découvrir et expérimenter un monde inconnu, émouvant et surprenant, d’éprouver des affects pour des personnages au destin tragique

Stimulation cognitive et santé mentale

 Tous les joueurs, réguliers ou non, pourraient aborder la question de la motivation incitant à poursuivre un jeu vidéo malgré les échecs et la frustration lors d’un « Game Over ». Face à la complexité de certaines tâches, il est parfois nécessaire de se concentrer. Il est utile d’avoir les bons réflexes ou de mettre en place les bonnes stratégies pour la résoudre. Une étude de 2013 (3) s’est ainsi attachée à mieux percevoir comment le cerveau était impacté après plusieurs sessions régulières de « Mario 64 ». L’imagerie a mis en évidence une augmentation des cellules grises dans des zones spécifiquement liées à l’organisation spatiale, la mémoire et la motricité fine.

On peut également penser à ces jeux de stratégie ou de puzzle, dans lesquels la flexibilité cognitive est également stimulée. Elle améliore les performances des joueurs pour s’adapter et réfléchir à de multiples solutions pour résoudre une tâche (4).

De la même façon, le vieillissement cognitif semble retardé jusqu’à 7 ans chez des personnes de plus de 50 ans, ayant une pratique de quelques heures de jeu vidéo stimulant (5). Un jeu Nintendo a ainsi axé sa communication sur un programme d’entraînement cérébral évaluant un âge cognitif en fonction des performances.

On peut donc mieux comprendre les bénéfices de leur utilisation en structure médico-sociale.

Certains jeux vidéo permettent de diminuer l’angoisse et la douleur (6) lors de certains traitements auprès de malades chroniques, ou d’améliorer l’état psychique de personnes dépressives (7).

Des jeux vidéo pour ton bien-être social

Une création de lien social

Loin du cliché de l’adolescent enfermé dans sa chambre, certains développeurs ont axé le gameplay et l’histoire sur l’interaction. Cela à travers la coopération ou la compétition au sein de leur jeu. Le lien à l’autre est alors primordial, en ligne ou en local. Cela en mobilisant des compétences d’aptitudes sociales essentielles, comme l’entraide, l’empathie et le travail d’équipe pour réaliser un objectif.

Ce travail collaboratif suppose alors une cohésion de groupe pour élaborer une décision commune.

On peut par exemple penser à des jeux d’énigme comme « Portal 2 » ou « Unravel Two ». Aussi bien qu’à des jeux comme « Borderlands » ou « Mario Kart » où les performances de chacun ne prennent pas nécessairement le pas sur le plaisir du jeu multijoueur avec ses amis.

Éducation et rééducation 

On peut spontanément faire allusion à Adibou, sur lequel de nombreuses personnes ont eu une première expérience vidéo ludique. On peut également s’interroger sur ce qu’on peut apprendre à travers un jeu vidéo.

À travers le jeu, les enfants expérimentent un contact avec un univers immersif où leurs actions entraînent des réactions en conséquence. Ils sont ainsi parfois amenés à réfléchir, raisonner et prendre des décisions.

Une étude s’est focalisée sur des enfants dyslexiques (8) pour visualiser l’impact d’une pratique de jeu vidéo sur leurs capacités, constatant ainsi sur le groupe d’étude une amélioration de l’attention visuelle et des compétences pour saisir les informations pertinentes.

On peut également mentionner les bénéfices en rééducation du fait de l’impact du jeu vidéo sur la plasticité neuronale auprès de personnes victimes d’AVC (9).

(In)formation et inclusion

Médiateur favorisant l’apprentissage des informations, le jeu vidéo commence à être utilisé (notamment en réalité virtuelle) pour des formations. J’ai moi-même été surpris qu’une partie de la formation sécurité-incendie en structure médico-sociale se fasse avec un casque VR pour intégrer et s’exercer aux conduites à tenir.

De la même façon, certains jeux vidéo permettent d’expérimenter certains métiers (via de nombreux simulateurs) ou expériences de vie (« Les Sims »), de découvrir des contextes historiques (par exemple « Total War »), des voyages émotionnels (« Sea of Solitude » « Gris », « To the Moon »), voire de faire émerger des réflexions philosophiques (comme le fait « Metal Gear Solid » sur le thème du désarmement et de la dissuasion nucléaire).

Des formations de sensibilisation passent également par des simulateurs pour faire vivre, aux professionnels de santé, les difficultés quotidiennes de personnes handicapées et/ou vieillissantes (cécité, surdité, mobilité réduite, etc.) afin de mieux comprendre les besoins des personnes accompagnées et favoriser l’apprentissage des bonnes pratiques.

Le jeu « Hellblade », développé en collaboration avec des psychiatres et neuroscientifiques, fait vivre l’expérience d’hallucinations auditives et visuelles perturbantes, plongeant les joueurs dans la schizophrénie.

Stimulation sportive

Le jeu vidéo peut également être une motivation ludique pour entreprendre une activité sportive. On peut par exemple penser à « Just Dance » qui permet même aujourd’hui de comptabiliser le nombre de calories brûlées durant chaque chorégraphie, ou « Ring Fit Adventure » où l’aventure mouvementée est prétexte à faire travailler le cardio, les bras, jambes et abdominaux. Pour jouer seul ou à plusieurs, des programmes d’entraînement personnalisés sont également disponibles afin de s’adapter aux besoins des joueurs.

D’autres vont utiliser la localisation GPS pour enjoindre les personnes à vadrouiller pour réaliser des objectifs (« Pokémon Go »).

Pour aller plus loin (sources) :

(1) https://newsinfo.iu.edu/news-archive/4685.html

 (2) https://www.researchgate.net/publication/282152185_Prevalence_and_Predictors_of_Video_Game_Addiction_A_Study_Based_on_a_National_Representative_Sample_of_Gamers

 (3) https://www.kurzweilai.net/video-game-playing-found-beneficial-for-the-brain

 (4) https://www.eurekalert.org/news-releases/673417

 (5) https://www.livescience.com/29246-brain-games-slow-mental-decline.html

 (6) https://cacm.acm.org/news/89918-video-games-and-virtual-reality-proven-helpful-as-pain-relievers/fulltext

 (7) https://www.bmj.com/content/344/bmj.e2598

 (8) https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0960982213000791

 (9) https://nocamels.com/2013/08/study-video-games-are-a-great-way-to-rehabilitate-stroke-victims/

https://www.huffingtonpost.fr/2013/11/12/jeux-video-bienfaits-sante_n_4264120.html